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15 juin 2025

Moi question de l’ordre (52)

Moi question de l’ordre, c’était Brinon ! je dépendais de lui. c’était que j ’y aille !. c’était lui de prévenir la police !. une des polices ! et que c’était un foutu désordre, tout le Lowen, les gogs et le couloir ! je me tâte pas longtemps dans les circonstances délicates. le chirurgien fou, l’autre sous lui. qui beugle !. c’était pas à atermoyer ! déjà Lili avait remis Bébert dans son sac. jamais l’un sans l’autre !. elle m’attendrait chez Mme Mitre. j’irai voir Brinon tout seul.    Mme Mitre    dirigeait
l’administration. vraiment la personne de très grand cœur et de très grand tact. vous pouviez parler avec elle. c’est elle qui devait répondre ceci. cela. aux dix mille. cent mille plaintes par jour !. vous pensez si ça se plaignait 1142 à mandats ! et femmes et enfants !. de tout ! et pour tout ! et les « travailleurs en Allemagne » et les quarante-six sortes d’espions ! et la moucharderie générale !. qu’on arrête tel !. telle !. et Laval !. et Bridoux !. vite !. Brinon !. et moi-même ! et Bébert ! l’exil, marmite des dénonciations ! bouille ! bouille !. qu’est-ce qu’ils ont dû avoir à Londres !. mettez dix ans de Londres, il en revenait pas un pendus !. centuple les dénonciations !. surtout les condamnés à mort ! la toute si pauvre suinteuse calebombe qui vous cligne au fond d’un grenier. vous grattez pas !. c’est tel ! tel condamné à mort, qui sue tremble trempe à griffonner mille mille horreurs sur tel et tel autre paria, voué à la torture saligaud ! tant plus le dénoncer aux Fritz ! à la Bibici ! à Hitler ! au Diable ! ah, que Tartre m’appert puéril morvaillon raté tout pour tout !… là je vous parle de vrais incarnés délateurs ! la tête déjà sous le couperet ! les conditions, une fois par siècle !… saluez !… complots ? des complots à remuer à la pelle ! plein la Milice !… plein le Fidelis !… l’Intelligence Service partout ! quatre postes émetteurs nuit et jour sur tout ce qui se passait ! là ! là. vous pouviez très bien les entendre. au Prinzenbau même ! (notre mairie). nos noms. prénoms. faits. gestes. intentions. minute par minute. douze douzaines de férues bignolles, perroquettes, blanquettes, bien agrippées à nos couilles, auraient pas fait mieux, pas donné des pires ragots ! je dis !. on savait ! mais la vie est un élan qu’il faut faire semblant d’y croire. comme si rien était. plus oultre ! plus oultre ! moi je devais recevoir au « 11 ». mes 25. 50. malades ! leur donner ce que je pouvais pas. pommade au soufre qui venait jamais. gonacrine, pénicilline que Richter devait recevoir. qu’il recevait jamais !. la vie c’est l’élan. et de se taire !. dans une occasion, plus tard, j’ai pratiqué à Rostock, Baltique, avec un confrère, le Docteur Proséidon, qui revenait du Paradis de l’Est. il avait la grande habitude. le visage qu’il faut avoir dans les Etats vraiment sérieux. l’expression de jamais plus penser !. jamais plus rien !. « Même si vous ne dites rien, ça se voit !. habituez-vous à rien penser ! » l’admirable confrère ! qu’est-il devenu ?. il voyait le Paradis partout ! « Si Hitler tombe, vous n’y coupez pas ! » parole d’un fort intellectuel : « L’Europe sera républicaine ou cosaque ! ». elle sera les deux, foutre ! et chinoise !
Bien ! bien ! vous me demandez rien ! je vous dis ce que je pense !. mettez le Gazier en cosaque. les toubibs muets ! leurs mémères muettes !. mon confrère Proséidon était resté là-bas quinze ans. au Paradis !. « Pendant quinze ans j’ai ” ordonné “, prescrit. pendant quinze ans mes malades ont porté mes ordonnances au pharmacien. ils sont toujours revenus bredouille. il avait pas !. oh sans protester !
pas un mot !… les malades non plus… pas un mot !… moi non plus. pas un mot !… » quand M. Gazier, cosaque, saura vraiment tout son métier, il y aura plus un mot à dire. nous là à Siegmaringen on était pas encore au point. on avait encore des idées. des sortes d’espèces de prétentions. je protestais pour la gale, le soufre que j’aurais dû avoir. comme Herr Frucht pour ses cabinets, qu’ils auraient dû fonctionner. je manquais encore beaucoup de dressage ! Herr Frucht est mort fou, plus tard. plus tard.
Zut ! à ma chambre !. le chirurgien hurluberlu et sa victime hurlant sous lui. m’appelant : au secours ! il fallait tout de même que j’avise ! qu’on me déblaye ma piaule ! je dis à Lili : « assez de scandale ! au Château ! ». j’emmène Lili. Lili-Bébert. j’avais la carte permanente. « priorité et à toute heure » j’avoue !. priorité !. par la poterne sous la voûte. et la pente creusée en plein roc !. vous auriez vu un peu cette voûte !. splendide montée cavalière. vers la Cour-Haute !. la Salle des Trophées !. toute la voûte, hauteur de Lances ! vous y auriez vu monter, facile, trois. quatre escadrons botte à botte ! l’ampleur d’une époque. et Croisades ! de cette Cour-Haute, tout de suite à droite, l’antichambre Brinon. je laisse Lili chez Mme Mitre, et je serre la main du planton, soldat de France ! un vrai ! oui ! oui !. à fourragère !. tout !. et même médaillé militaire. comme moi !. toc !… toc ! il frappe, il va m’annoncer, je veux parler à M. de Brinon !. je suis reçu tout de suite. il est là comme je l’ai connu place Beauvau. et le même bureau à peu près. peut-être pas tout à fait aussi grand. moins de téléphones. mais la même tête, la même expression, le même profil. je lui parle, je lui dis très respectueusement qu’il pourrait peut-être ?. etc. etc. mon Dieu ! mon Dieu ! il savait déjà !. et bien d’autres choses !. les gens en place lisent tant de rapports ! et reçoivent au moins cent bourriques par jour ! vous pouvez rien leur apprendre !. Sartine ! Louis XIV ! il savait tout ce qu’on disait de lui, Brinon. qu’il était M. Cohen. pas plus de Brinon que de beurre au chose !. pas plus que Nasser est Nasser !. petites devinettes pour assiettes !… que sa femme Sarah lui dictait toute sa politique. et par téléphone. dix fois par jour, de Constance ! tous les agoniques s’en marraient ! tout le Fidelis ! et les tables d’écoute des bunkers. toutes les polices !… et Radio-London !… tout !. il savait, et il me regardait que je savais. à un moment, y a plus de secrets. y a plus que des polices qu’en fabriquent. moi je venais lui parler de notre chambre, qu’il serait bien aimable de faire envoyer un petit renfort d’un peu de gendarmes ! que je pouvais plus recevoir personne. que mon lit était occupé. que tout l’hôtel était archi-comble !. que c’était un désordre extrême !. je lui donne les détails sur le dingue et son infirmière.
Brinon était d’assez sombre nature, d’expression. dissimulé. une sorte d’animal des cavernes (X dixit)… à son bureau il répondait presque plus. il était pas sot. j’ai toujours eu l’impression qu’il savait très exactement que tout était plus que la chienlit, question de jours.
« Oh, vous savez, un médecin fou !. il est pas le seul !. pas le seul, Docteur !. nous savons que sur nos douze médecins soi-disant français, soi-disant réfugiés français, dix sont fous. fous bien fous, repérés échappés des asiles. en plus écoutez-moi, Docteur ! Berlin nous envoie, vous allez recevoir, le ” Privat-Professor ” Vernier, ” Directeur des Services Sanitaires Français “. je sais moi, aucune surprise, ma femme me l’a téléphoné, que ce Vernier est un Tchèque. et qu’il a servi d’espion à l’Allemagne pendant dix-sept ans !. à Rouen d’abord. puis à Annemasse. puis au Journal Officiel. livreur. voilà le dossier !. voilà sa photo !. voilà ses empreintes !. de ce jour, il est votre chef, Docteur ! votre chef ! ordre de Berlin !. pour celui qui vous embarrasse, dans votre chambre, adressez-vous au-dessus chez vous !. voyons ! à Raumnitz ! vous le soignez, Raumnitz ! vous le connaissez !. si il veut agir ! moi vous savez la police de Siegmaringen. toutes les polices ! »
Il avait plus du tout envie de se mêler de rien, Brinon. ni pour la gale. ni pour les chancres. ni pour mes tuberculeuses. ni pour les mômes de Cissen qu’on faisait mourir à la carotte… ni contre mon dingue chirurgien. il comme jouissait de plus rien faire.
« Ah ! Docteur ! une chose ! une nouvelle ! vous êtes condamné à mort par le ” Comité de Plauen ! ” voici votre jugement !… »
De son sous-main il me sort un « faire-part » le même format, même libellé. comme j’en recevais tant à Montmartre. mêmes motifs. « traître, vendu, pornographe, youdophage. » mais au lieu de « vendu aux boches ». « vendu à l’Intelligence Service ». s’il y a quelque chose de fastidieux c’est les « terribles accusations ». rabâchis pires que les amours !. je vois encore plus tard, en prison, au Danemark. et par l’Ambassade de France. et par les journaux scandinaves. pas de mal à la tête !. simplement : « le monstre et vendu le pire de plus pire ! qui dépasse les mots !. que la plume éclate !. » sempiternels forfaits de monstre : vendeur de ceci !. de cela !. de toute la Ligne Maginot ! les caleçons des troupes et cacas ! généraux avec ! toute la flotte, la rade de Toulon ! le goulet de Brest ! les bouées et les mines !. grand bazardeur de la Patrie ! question des « collabos » féroces ou « fifis » atroces épurateurs de ci. de ça. une chose, c’est qu’à Londres, Montmartre, Vichy, Brazzaville, c’était méchants douteux partout ! flicaille Compano !. super-nazi de l’Europe nouvelle ou Comité de Londres ou de Picpus ! gafe ! en quart tous de vous foutre à la broche ! hachis ! paupiette !

A suivre

8 juin 2025

Ma consultation !… (51)

Ma consultation !… c’était l’heure ! au premier étage du Lowen, au N°11, notre taudis. je dis : taudis !… oui !… deux paillasses. et quelles !… j’en ai vu d’autres, certes !… bien d’autres !… on se dit donc : au revoir. on s’embrasse avec Marion. qu’on était pas certains de se revoir !. jamais !. lui avait sa chambre au Château, au troisième étage, la plus petite chambre !. je vous ai dit, pour le Protocole, Y Information, c’était infime. Marion, mettons chez Dagobert, à Clichy-sur-Seine, aurait pas eu un escabeau !. si vous voulez pas vous tromper pensez  toujours à saint Eloy !. toutes les impostures commencent à l’an 1000 ! la jean-foutrerie s’étale !. Excellences patatipata !. guignol » ! plus aucune préséance sérieuse !. moi là toujours une chose sérieuse, pas jean-foutre, ma consultation !. comment nous étions installés, je vous raconterai. vous pourrez aller vous rendre compte., j’ai lu bien des reportages ci !. là !. sur Siegmaringen. tout illusoires ou tendancieux. travioles, similis, faux-fuyards, foireux. que diantre !. ils y étaient pas, aucun ! au moment qu’il aurait fallu !. je vous parle énormément de W.C. particulièrement ceux du « Lowen ». c’est qu’on était sur le même palier, la porte en face, et qu’ils désemplissaient pas ! tous les gens de Siegmaringen, de la brasserie, et des hôtels, venaient aboutir là, forcément. la porte en face !. tout le vestibule, tout l’escalier étaient bourrés jour et nuit de personnes à bout, injurieuses, râlantes que c’était la honte !. qu’ils en avaient assez de souffrir !. qu’ils faisaient sous eux !. qu’ils pouvaient plus !. et c’était vrai : tout l’escalier dégoulinait !. et notre couloir, donc ! et notre chambre ! vous pouvez pas plus laxatif que le Stamgericht, raves et choux rouges. Stamgericht plus la bière aigre.. à plus quitter les W.C. !. jamais ! vous pensez tout notre vestibule grondant pétant de gens qui n’en pouvaient plus !. et les odeurs !. les gogs refoulaient ! il va de soi !. ils arrêtaient pas d’être bouchés !. les gens entraient à trois. à quatre !. hommes, femmes. enfants. n’importe comment !. ils se faisaient sortir par les pieds, extirper de vive force !. qu’ils accaparaient la lunette !.    « ils rêvent ! ils rêvent !. » si ça mugissait !… le couloir, la brasserie, et la rue !… et que tout ce monde se grattait en plus. et se passait, repassait la gale et morpions. et mes malades !… méli-mélo. qu’ils y allaient forcément aussi pisser sur les autres et partout ! il était vivant notre couloir !. aussi des gens pour von Raumnitz. je vous expliquerai von Raumnitz. une autre affluence, pour son bureau, un de ses bureaux, l’étage au-dessus. ceux-là allaient aussi aux gogs la porte en face. le moment le plus magique c’était tous les jours quand les gogs vraiment pouvaient plus. vers huit heures du soir. qu’ils éclataient ! la bombe de merde !. du trop-plein du tréfonds !. tous les soulagements de la brasserie de la veille et du jour !. alors un geyser plein le couloir !. et notre chambre ! et en cascade plein l’escalier !. vous parlez d’un sauve-qui-peut !. mêlée-pancrace dans la matière ! tous à la rue !. c’était le moment Herr Frucht s’amenait ! tenancier du Lowen ! Herr Frucht et son jonc !. il avait vraiment tout tenté pour sauver ses gogs. mais aussi responsable lui-même !. c’était lui le tôlier, la tambouille aux raves ! lui la brasserie ! le restaurateur !. cinq mille Stamgericht par jour ! pas être surpris que les lieux débordent ! Herr Frucht montait avec son jonc ! touillait ! retouillait ! refaisait fonctionner la tinette !. et replaçait un autre cadenas. vissait !. vissait !. que plus personne puisse ouvrir ! basta ! deux minutes qu’il était parti ses chiottes étaient re-re-pleins ! les gens à se battre ! et plein le vestibule !. Herr Frucht, qu’était pas Sisyphe, avait beau jurer « Teufel ! Donner ! Maria ! » ses clients du Stamgericht y auraient plus qu’inondé sa tôle ! submergée sous des torrents de raves ! s’il avait coincé sa lunette, vraiment empêché les clients ! cimenté le trou !. il menaçait mais il osait pas.
Nous toujours au 11 on pataugeait ! j’insiste pas. on s’y fait et il fallait !. ce qu’était à craindre, ce que je craignais, pire que cet inconvénient, c’est qu’on nous expulse !. nous expulse à la manière boche, c’est-à-dire perfide, raisonnable, « pour le confort général ! ». que pour les malades c’était mieux que je déménage. que je consulte ailleurs. etc. etc. trop de tohubohu !. toutes sortes de raisons que je  décampe… bruits ? bruits ? bruits ?… j’en ai entendu bien d’autres !… croyez !
Question de ce très large vestibule, je vous explique (très bas de plafond, je précise) y avait pas que ma consultation. et les clients aux cabinets. y avait les clients de von Raumnitz… Baron Commandant von Raumnitz. la chambre juste au-dessus de la nôtre. N°26. je vous reparlerai de ce von Raumnitz.. je digresse encore. à vous balader je vais vous perdre !. je veux trop vous montrer à la fois !. j’ai l’excuse de ceci. cela !. d’une certaine précipitation. Nous avons quitté le Maréchal. le pont-levis rabaissé. nous remontons nous, au Lowen… je vous fraye un passage. il faut !. la cohue d’abord, du trottoir. puis du vestibule !. une vraie foule qui veut faire pipi. y en a partout !. j’écarte. j’écarte. et je tape dans notre porte : le 11 ! notre cagna.
Il faut beaucoup pour me surprendre mais tout de même là je regarde deux fois !. sur ma propre paillasse, celle de droite, un homme étendu, tout débraillé, déboutonné, et qui dégueule et qui râle. et au-dessus à califourchon, un chirurgien !. enfin un homme en blouse blanche et qui s’apprête à l’opérer de force ! trois, quatre bistouris à la main !. le miroir frontal, les compresses, les pinces !. aucun doute !. derrière lui, plein dans la gadoue, l’urine, son infirmière !. blouse blanche aussi !. et grosses boîtes métalliques sous le bras.
« Qu’est-ce que vous faites ? »
Je demande !. j’ai le droit ! en plus que celui du dessous hurle !.
« Docteur ! Docteur ! sauvez-moi !
—    De quoi ?. de quoi ?
—    C’est vous que je venais voir Docteur ! les Sénégalais ! les Sénégalais ! !
—    Alors ?. alors ?
—    Ils ont coupé toutes les têtes !
—    Celui-là est pas Sénégalais ?.
—    Il veut commencer par l’oreille !. c’est vous que je venais voir Docteur !
—    Il est pas Sénégalais lui ?
—    Non !. non !. c’est un fou !.
—    Vous venez d’où, vous ?
—    De Strasbourg, Docteur ! je suis garagiste à Strasbourg ! ils ont coupé toutes les têtes !… ils viennent !… ils viennent ! je suis garagiste ! j’ai soif Docteur !… faites-le lever Docteur ! il m’étrangle !… il va me mettre son couteau dans l’œil !… faites-le lever, Docteur ! »
C’était une situation. toujours avec ses bistouris, fou pas fou, c’était vraiment mieux et tout de suite, que la police lui demande ses papiers !… et qu’elle foute tout le monde à la rue, la police !. tout le monde toute la rue s’était engouffré dans la chambre ! dans le couloir, les gogs, avec le dingue et l’infirmière !… jamais j’y arriverais, moi seul faire vider les lieux !… déjà la piaule, nos deux grabats, la cuvette, vous étiez coincé !. la foule en plus !

A suivre

1 juin 2025

Tout ça, je m’enfièvre ! (50)

Tout ça, je m’enfièvre !. en fait de méditer ! je vous laisse le Philippe en panne !. je vous racontais. demi-tour ! le retour au Château. nous du coup on passait en tête avec Marion l’Information… enfin presque en tête juste derrière les Chefs de Partis. ce demi-tour a donné un jour une bonne rigolade. j’ai pas eu encore l’occasion de vous faire beaucoup rire. au pont métallique du « chemin de fer » toute la caravane s’arrête pile !. sous la première arche !. oh ! pas pour l’alerte ! c’était l’alerte perpétuelle. les sirènes finissaient pas. mais la R.A.F. cherchait le pont. juste le pont ! au moment précis !. pas du mirage !. ils lâchaient tous leurs chapelets de bombes au-dessus du pont, à pic ! tout à trac !. trois quatre avions à la fois. comment ils faisaient pour le louper ?. leurs chapelets de bombes faisaient geysers ! le Danube en bouillait ! et de ces éclaboussements de vase !. et dans les labours !. trois. quatre kilomètres dans les champs !. nous on était pressés sous l’arche, agglomérés contre l’énorme pilier granit… c’était l’occasion de pisser, tous les ministres, et les Partis, et le Maréchal. je connaissais tous leurs prostates. certains avaient des gros besoins. pour ça, plus commode, les buissons !… les voilà partis aux taillis. au moment, j’ai le souvenir exact, arrive dans l’autre sens, tout un détachement de prisonniers, avec leurs gardes, des landsturm. prisonniers et « territoriaux » pas plus nerveux les uns que les autres. prisonniers russes et vieux boches. si las !. si las !. aussi maigres les uns que les autres, traînant la guibole. et aussi en loques !. les fritz, à fusil, les autres, sans. vers où ils allaient ?. quelque part !. on leur a demandé. ils comprenaient rien. ils entendaient même pas les bombes. alors, pensez ! nous, nos questions !. ils allaient la même berge que nous, c’est tout. sens inverse.
Bridou a eu fini de pisser. il se l’est secouée. bien secouée ! et il a dit : « Agissons, messieurs ! Agissons ! » agir quoi ?. il a donné son idée. « qu’on s’égaille ! ». principe de la Cavalerie !. « en fourrageurs » !. tous en « fourrageurs ». combien on était là sous l’arche, tassés contre la pile ?. à peu près trente. je voyais que Bridou avait raison, les bombes arrivaient plus proches. plus proches. elles moucheraient le pont, bientôt. quand même !. ça finirait cette maladresse !. nous là tout le groupe bien hésitants. ministres, Partis, flics franco-boches, pas chauds pour les « fourrageurs » !. on pouvait toujours suivre les Russes. les prisonniers branquillonnants. certes ! ils devaient aller quelque part ?. ils devaient avoir une idée ?. ils disaient rien. à travers champs. suivre les prisonniers. là, je dois vous noter un fait, Mme Rémusat et sa fille gisaient dans la vase, à même la vase, à plat ventre. la vase de la berge. un cratère de bombe. elles étaient venues aux pissenlits. toutes couvertes de boue elles étaient !. une épaisseur !. elles avaient eu extrêmement peur, certainement. elles bougeaient plus. mortes ou pas mortes. peut-être ?. toujours, elles étaient à plat ventre !. j’ai jamais eu de leurs nouvelles. elles demeuraient à l’autre bout du bourg. je vous disais les prisonniers russes et leurs gardes landsturm s’éloignaient à travers les champs.
ils nous avaient même pas regardés… les bombes leur tombaient pas loin. si fatigués, si somnambules, ils avaient l’air qu’ils pouvaient plus s’arrêter. les bombes leur arrivaient autour, presque dessus !… sur nous aussi ! fichtre !… le carrousel dans l’air !… ce qu’ils voulaient, pas sorcier, c’était crouler le pont !… le pont de tout le trafic Ulm-Roumanie. percuter !… nous en plein dessous !. Pétain et la procession ! Mimis ! ils finiraient pas viser juste !. tout le pont sur le rab ! oh ! la tripaille, ferraille, madame !. maladroits têtus !. ronds dans l’eau !. je regardais Mme Rémusat et sa fille à la cueillette aux pissenlits. plat ventre !. les ministres se reculottaient. ils parlaient tous à la fois. y avait des « pour ». y avait des « contre ». avancer ? ensemble ?. ou prendre l’autre berge ?. les généraux, les amiraux, décidaient en « fourrageurs » ? ou queue leu leu ? rattraper les prisonniers russes ? alors à travers les luzernes ? si on restait là, une chose sûre, nos têtes, qu’on prendrait le pont ! totalité ! leurs bombes éclataient presque sur nous ! plein le Danube !. amont ! aval !. ils rectifiaient !. de ces formidables levées de vase ! tombereaux devant nous. de ces cratères dans les berges ! vrong ! vlaaf !… soufflés, plaqués contre la pile !. ministres, généraux et les gardes. et moi et Lili et Bébert. au moment là vraiment tragique Pétain qu’avait encore rien dit. l’a dit !. « En avant ! » et montré où il voulait ! « En avant ! ». sa canne ! « En avant ! ». qu’on sorte tous de dessous l’arche ! qu’on le suive ! « En avant ! ». que ça se reculotte !. « En avant ! ». lui-même avec Debeney, dehors ! oh ! sans aucune hâte. très dignes ! direction : le Château !. qu’on s’est replacés la queue leu leu. tous les ministres et les Partis. les bombes continuaient d’attaquer le pont. nous, nous autres, notre queue leu leu ça a été rafales sur rafales !. jusqu’au Château !. à la mitrailleuse. c’est bien sur nous qu’ils tiraient !. mais ils tiraient mal !. je voyais les rafales ricocher. sur l’herbe !. sur l’eau !. les herbes sauter, fauchées !. ils tiraient comme des cochons !. la preuve, personne fut touché !. et ils passaient au ras du fleuve !. Pétain parlait avec Debeney. ils allaient leur pas, absolument sans se presser… les ministres non plus… sur au moins deux kilomètres… la ribambelle a pas dévié d’un centimètre. je vois encore Bichelonne, devant nous. il boquillonnait dur, Bichelonne. c’était avant qu’on l’opère. il avait plus beaucoup de temps à boquillonner. il est mort de l’opération, il a voulu se faire opérer à Hohenlynchen, là-haut, Prusse-Orientale, je vous raconterai. pour le moment je suis à Pétain. le retour au Château. le chef en tête. et sous les rafales !. et toute la queue leu leu de ministres généraux amiraux. bien rajustés reboutonnés. très dignes. et à distance !. j’insiste parce que question de Pétain on a raconté qu’il était devenu si gâteux qu’il entendait plus les bombes ni les sirènes, qu’il prenait les militaires fritz pour ses propres gardes de Vichy. qu’il prenait Brinon pour le Nonce. je peux rétablir la vérité, je peux dire moi qu’il détestait, je parle en parfaite indépendance, qu’il aurait pas pris le commandement au moment du pont, fait démarrer la procession, personne réchappait ! elle aurait jamais eu lieu l’Haute-Cour ! le Noguarès non plus ! j’ai vu, moi je peux le dire, le Maréchal sauver l’Haute-Cour !. sans lui, sans sa froide décision, jamais un serait sorti de sous l’arche !. pas un ministre pas un général !. ni des fourrés ! c’était la fin ! sans réquisitoires ! et sans verdicts ! bouillie totale ! pas besoin d’Ile d’Yeu non plus !. la décision à Pétain qu’a fait sortir tout le monde de sous l’arche !. comme c’est le caractère à Pétain qui fit remonter l’armée en ligne au moment de 17. je peux parler de lui bien librement, il m’exécrait. je vois encore les balles tout autour. la berge, le halage, criblés !. surtout autour de Pétain !. il voyait, s’il entendait pas !. tout le parcours jusqu’au pont-levis !. giclées sur giclées !. ah ! pas un mot !. ni lui, ni Debeney. parfaitement dignes. et le plus drôle : pas un seul touché !. ni Lili, ni moi, ni Bébert, ni Marion !. au pont-levis, arrêt, salut !. dispersion ! personne attendait plus rien ! chacun chez soi !. les R. A. F. tiraillaient plus. remontés au Ciel ! nous, Lili, Bébert, avions plus qu’à quitter Marion. mais moi quatre petits pains en fouille !.

A suivre

25 mai 2025

Là, l’aigle royal Hohenzollern était le maître de la Forêt (49)

Là, l’aigle royal Hohenzollern était le maître de la Forêt et des territoires jusqu’en Suisse. il faisait absolument ce qu’il voulait !. personne pouvait l’intimider. le commandement de la Forêt Noire !. troupeaux, lapins, biches. et les fées. à chaque promenade il était là, même pré, même poteau. il nous aimait certainement pas.
Après mettons deux kilomètres de berge du Danube vous voyiez surgir une silhouette. ça manquait jamais : une silhouette à gestes. signes d’avancer !. ou de reculer !. signes que Pétain avance encore. ou fasse demi-tour !. on la connaissait ! silhouette !.
c’était l’Amiral Corpechot, il avait la garde du Danube, et le commandement de toutes les flottilles jusqu’à la Drave… il voyait venir l’offensive russe : le Maréchal en pleine promenade !… la flotte fluviale russe remonter le Danube !… il était certain !… il s’était nommé lui-même : Amiral aux Estuaires d’Europe et Commandant des deux Berges… il voyait la flotte russe de Vienne passer la Bavière et prendre le Wurtemberg à rebours !… et Siegmaringen !… forcément ! et toute la « collaboration ». et surtout Pétain !… il voyait Pétain kidnappé !… ficelé fond de cale d’un de ces engins submersibles qu’il avait vu sortir de l’eau !. oui ! lui !. amphibies !. qui pullulaient passé Pest !. Corpechot me racontait tout !. je le soignais pour son emphysème. il avait eu connaissance de tous les plans russes ! matériel et stratégie ! il savait même le fin du fin de leur dispositif aéro-aquo-terrestre, la catapulte par hydrolyse, le système Ader renversé, sous-nautique !. vous dire ce qu’on pouvait s’attendre !. j’étais jamais étonné de voir Corpechot surgir, une berge l’autre, nous faire des signes que la promenade était finie, que les Russes étaient signalés !. pas de surprise pour Pétain non plus. il faisait demi-tour. les ministres avec. vous pensez que ce Corpechot on l’avait arrête dix fois. vingt fois !. et vingt fois relâché !. plus aucune place dans les Asiles !. plus aucune place d’abord nulle part et pour personne !. fous pas fous !. c’était se planquer n’importe où !. fous !. pas fous. tous les alibis !. tous les combles ! étables. bunkers !… arrière-boutiques ! et les salles d’attente des gares. la cohue totale ! des villages entiers sous les trains. à passer la nuit. recroquevillés. et dans la forêt !. des grottes d’où les gens sortaient plus ! venus de tous les coins d’Europe.
Je vous disais que Corpechot s’était promu amiral. il trouvait qu’il avait des titres, bien plus de titres que ceux du Château, amiraux de bureaux, du grand État-Major Darlan !. et d’abord l’article 75 !. décoré de l’article 75 !. pas inventé celui-là. mandat et tout ! très réel ! traqué sérieux !. la preuve comme il était parti !. poil !. le dernier train ! gare de l’Est !. ils y avaient pu piquer que son fils, sa femme, sa belle-sœur… tout ce joli monde à Drancy !… une minute de plus ils l’avaient !… et c’était vrai !… j’avais lu le rapport chez Brinon… et son curriculum exact. il avait été échotier et puis rédacteur en chef du grand hebdomadaire yachtique « Bout dehors ! » vous pouviez parler de lui à Brème, à Enghien ou à l’Île de Wight !… on s’inclinait !… il faisait qu’un avec les régates !… « Corpechot l’a dit !… » c’était tout ! l’autorité ! si Dœnitz l’avait eu facile !… « Corpechot vous êtes la Marine ! über allés !… vous vengerez la France et Dunkerque ! » là-dessus ils s’étaient embrassés. « Trafalgar ! Trafalgar !… » d’où vous le trouviez là, l’article 75 au derrière. et toute sa famille à Drancy. mais qu’il savait plus quoi ni quès !. Corpechot-vous-êtes-la-Marine !. vous pensez qu’il avait fallu qu’il se donne « Corpechot-vous-êtes-la-Marine » ! qu’il mérite !. d’abord à Hambourg. puis à Kiel. puis à Warnemünde. pour Dœnitz !. Kriegsmarine ! d’un camp l’autre !. là alors le coup d’avancement !.    « Commandant des Forces du
Danube » !. tous les plans d’eau Wurtemberg-Suisse !. et donc la sauvegarde de Pétain, jusqu’où il avait le droit d’aller. pas loin ! pas plus loin !. demi-tour !.
Certes en l’air, le ciel ça allait !. l’Anglais battait de l’aile !. y avait qu’à voir leurs pauvres avions qu’osaient même pas nous bombarder ! intimidés par le Château ! foutus !. mais les Russes ?. leurs sous-marins amphibies ? Corpechot perdait pas de vue le fleuve, la moindre vaguelette : le traître Danube ! le péril russe ! il s’était monté des petits tertres. chaque coude. des sortes de petits sémaphores. des hunes. de là vous pouviez lui parler !. lui raconter la R.A.F. ! vous le faisiez tordre, plier en quatre ! pouffant saugrenu que vous étiez !. les bombes ?. c’est lui qui en éclatait ! « Ah ! par exemple !. ah ! par exemple ! vous regardez que le Ciel ! vous aussi ! pique-la-Lune !. grotesque ! incroyable ! mais c’est par le fleuve qu’ils viendront ! voyons ! regardez !. regardez-le ! regardez-vous-même !. » et il vous passait sa jumelle. sa grosse Licca. pas à plaisanter du tout !. « Vous avez raison, Amiral !. » personne
le contredisait !… sitôt que Pétain l’apercevait, demi-tour !
Comme ça un moment de la fin des régimes personne contredit plus personne. les plus énergumènes sont rois. Corpechot, un geste, Pétain, Debeney lui obéissaient. Corpechot couchait à la dure, au fond d’un fourré. un autre. et tout de même il avait de la tenue. absolument impeccable !. la tenue d’amiral, la très haute casquette. et souliers vernis !. il s’était fait habiller tel, là-haut, au Dépôt, entre deux bombardements. le teint vermeil, gros nez, grosse panse. double pèlerine !. tenue de « Grand temps » sur l’Océan !. sa Licca balançant sur le bide. vous l’auriez trouvé rue Royale, vous vous seriez écrié tout de suite : « Oh ! mais pas d’erreur ! l’Amiral !. il est la Marine !. il incarne !. » pas compliqué, pas difficile, les vrais authentiques et les dingues. la seule différence. l’endroit qu’ils se trouvent !. Rue Royale ou sur les bords du Danube. vingt fois. cent fois !. Pétain avait fait écrire à Abetz que ce Corpechot était de trop ! amiral ou pas ! qu’il en avait assez des siens !. tous les étages. ministres et cadres supérieurs !. qu’on l’espionnait à la promenade !. Abetz y pouvait zéro ! au moment où tout fout le camp c’est plus qu’à regarder et se taire. Vichy, le nonce du Pape. Corpechot-Danube. pas contredire !. trouiller le changement d’acte, tenir la scène encore un peu. le moment que tourne la Page !. Deloncle ?. Swoboda ?. ou Brinon ? ou Navachine ? avec mitraillette ou sans. ou Juanovici ?. Stalin ? ou Pétain ?. ou Gourion ? le commandement de Corpechot qui compte !. tous, demi-tour !. toute la Maison Militaire. et la queue leu leu des Ministres. et les autres huiles. et nous quatre, Marion, Lili, moi, Bébert. il s’agissait pas que la flotte nous coiffe avant le grand pont !. le « triple-voie-portées-métalliques ». finie la promenade !. retour au Château. atteindre le grand pont !. même berge, sens inverse. les derniers deviennent les premiers ! demi-tour ! demi-tour !. les chefs de Partis en avant !. Bucard et ses hommes. Sabiani ses hommes. Bout de l’An et ses hommes. je note à propos, qu’Hérold Paquis, aussi menteur éhonté que
Tartre, a jamais foutu les pieds à Siegmaringen, il est resté 70 bornes sur son île, bouffer ses conserves… il a jamais rien vu du tout. sauf son casier judiciaire. Doriot est jamais venu non plus. on a jamais vu que sa voiture, criblée, dentelée. ce que c’est d’être sorti de Constance !. la bonne vie, sauf la gale. la gale comme nous plus que nous !. pour la question de la promenade, Déat en a jamais été. géant de la pensée politique il préférait partir tout seul au fond des bois. il frayait peu. il préférait. il mettait au point un certain programme de l’« Europe Burgonde et Française », avec élections primo-majoro-pluri-différées. il méditait.
De réfléchir, méditer ainsi, je pense au Noguarès. qu’est-ce qu’il vient foutre écrire de Siegmaringen ? l’avait qu’à venir ! satané le pompeux clancul ! qu’il s’en gardait comme chier au lit !. pas plus vous avez vu Charlot descendre en tranchée, bazouka en poigne, refouler les tanks fritz !. rusés matous !. « gratuits » tous !. jamais payeurs !.. putains de festivals !. que je les verrais tous, durs purs sûrs, à la terrasse des « Trois Magots ». signer leurs portraits avec le sang d’admirateurs. milliards cocus !.

A suivre

18 mai 2025

Dans bien plus modeste (48)

Dans bien plus modeste, plus pratique aussi, le truc d’« incarner » vous fait encore de ces petits miracles ! l’alimentation, par exemple !. mettez que demain ils se remettent à nous rationner. qu’on arrive à manquer de tout. vous grattez pas !. le truc d’incarner vous sauvera !. vous prenez n’importe quel bisu, n’importe quel auteur provincial, et vous y allez, vous l’empoignez, vous le pétrifiez là, devant vous. « Oh ! Dieu de Dieu, mais y a que vous !. y a que vous pour incarner le Poitou ! » vous lui hurlez ! « Vos chères 32 pages ? tout le Poitou ! » Ça y est !. vous manquez plus jamais de rien ! à vous les colis agricoles !. vous
recommencez en Normandie !… puis les Deux-Sèvres ! et le Finistère ! vous êtes paré pour cinq, six guerres et douze famines !… vous savez plus où les mettre vos dix, douze tonnes de colis ! les Incarnateurs donnent, renchérissent, inlassables ! suffit que bien vous leur répétiez qu’ils sont toute la Drôme dans leur œuvre ! le Jura !… la Mayenne !… Roquefort, si vous aimez le fromage !… je miragine pas :    tenez,
Denoël !… Denoël, l’assassiné. roublard, doublard s’il en fut, mais extrêmement belge et pratique. à tout prendre, là maintenant cadavre, si je le compare à ce qu’a suivi : joliment regrettable !. deux jours avant qu’on l’assassine je lui ai écrit de Copenhague : « foutez le camp. bon sang ! sauvez-vous !… votre place est pas rue Amélie !. » il est pas parti. les gens m’obéissent jamais. ils se croient parés marles !. grigri à l’oigne !. bon !. à leur aise !. toujours est-il, c’est un fait, jusqu’au moment qu’on l’assassine il a eu beurre à profusion, frometons, poulgoms, truffes. la table ample !. ravitaillerie à volo !. drôlement bien vécu !. par l’Incarnerie des Auteurs !. la révélation de leur Mission !. l’Annonce !. mais gafe !. attention !. je vous préviens !. le truc est magique !. facilement mortel !. vous en grisez pas !. la preuve : Pétain ! la preuve : Laval ! la preuve : Louis XVI ! la preuve : Staline !. vous y allez à fond, tout permis ?. salut !. Denoël à force de faire le Mage d’une province l’autre, de faire incarner celle-ci. celle-là. se sentait plus !. « Bravo ! Tabou ! tout j’ose !. » mais minuit Place des Invalides le truc a rompu ! un nuage, la Lune !. envolés les charmes !. Denoël ce qui l’a fini, ce qui l’a achevé de faire le con, c’est sa collection des « Provinces », les envoûtés folkloriques, les incar-neurs en transe de lieux !. chiadeurs en concours : Moi ! Moi ! Moi ! moi les Cornouailles. moi le Léon !. moi les Charentes !. épileptiques d’incarnation !
Croyez pas si extraordinaire ! « Envoyez Jeanne d’Arc par ici ! » je vous en trouve douze par préfecture !. et colis avec !. et rillettes !. mottes !. wagons de sacs de farineux !. dindes !. gardeuses et troupeaux !.
« Vous êtes retenu pour le Concours !… oh ! que vous incarnez le Cameroun !… » par ici bananes !… les dattes, ananas ! tout l’Empire y arrivait à table !… sur sa table !… je vous dis : rien manquait !… on peut dire que le pauvre Denoël avait vraiment bien mis au point la question d’approvisionnement.
Pétain c’était aussi le « J’incarne » ! c’est moi ! Impérial ! si il y croyait ?… oh, là !… il en est mort !… Incarneur total !
De baliverne en baliverne, je vous oublie !. nous en étions à la promenade. enfin, au départ. le Maréchal au pont-levis. Hermilie de Hohenzollern redisparue dans les sous-sols avec sa dame de compagnie. Pétain, Debeney, avancent bon pas, longent le Danube, la berge. la promenade rituelle. tout seuls en avant, et les ministres loin derrière. queue leu leu. boudeurs, nous dirons. la petite foule qu’était là grommelante, attendante, tous les sucs gastriques prêts à tout, avait plus qu’à vider les lieux. ça proteste. oh ! mais pas beaucoup. ça retourne à ses étables, soupentes, au Fidelis, à la forêt. rien à dire !. qu’à se gratter !. ça s’arrache !. ça part se gratter n’importe où.
Tout au-dessus des nuages la farandole continue ! escadres sur escadres d’R. A. F. et puis qui plongent vers le Château !. leur repère-balise le Château !. la boucle du fleuve. c’est là qu’ils tournent du Nord à l’Est. Munich. Vienne. escadres sur escadres. on sera pas détruits, le bruit qui court, parce que tout le Château est retenu par l’Armée Leclerc. il est déjà à Strasbourg. avec ses fifis et ses nègres. la preuve ce qu’il arrive !. fuyards, réfugiés, calots comme ça !. de ce qu’ils ont vu !. les décapitages en série !. coupe-coupe ! les Sénégalais à Leclerc !. le sang à flots, plein les ruisseaux !. ce qu’on peut s’attendre d’un moment l’autre, nous !. ça que les galeux peuvent méditer !. ce qu’ils ont à se dire dans leurs soupentes, les 1142 « Mandats » !
À bien réfléchir, historique, Pétain, Debeney, étaient qui dirait, plus en scène. plus rien d’autre du tout à foutre en scène ! l’acte encore de « l’Empire Français » !. rideau ! aux Sénégalais ! l’acte suivant !. Pétain fini d’incarner !. la France a marre ! qu’il rentre, qu’on le tue !… la page tourne ! là, il profite qu’il est loin, il a l’air encore de quelque chose, lui et Debeney, et sa queue leu leu de la promenade. et qu’ils sont bien sapés les bougres !… chaussures impeccables. partent d’un bon pas !… la berge du Danube, ce petit fleuve si violent, si gai, éclaboussant, jetant sa mousse jusqu’au haut des arbres. le fleuve optimiste, d’un immense avenir !… oui mais l’Armée Leclerc, pas loin. et ses Sénégalais coupe-coupe. les gens savent pas, presque jamais, qu’on joue un autre acte, au moment, qu’ils sont de trop ! qu’ils sont plus du tout dans la scène, qu’ils devraient s’effacer. non ! non !. ils s’entêtent !. ils ont eu le beau rôle ils le gardent ! à l’éternité !. le Maréchal et Debenev à leur promenade quotidienne.
bords de l’Allier. bords du Danube. promenade et  Chef d’Etat, c’est tout !. nous ce qui nous intéressait, Lili, moi, Bébert, c’était Marion. Marion, les rognures de leurs tables, et les petits pains. en plus, Pétain c’était mieux qu’il m’aperçoive pas. Marion à Y Information venait presque en tout dernier de la queue. le Protocole est ainsi, d’abord le glaive ! le glaive : Pétain !. et puis la Justice !. et puis les Finances !. et puis les autres !. les mégotteux, les dits : récents ! les ceux qu’ont pas plus de trois, quatre siècles !. les vrais ministres, les ceux de « poids » doivent remonter à Dagobert !. Justice !. Saint Eloi voilà un ministre !. Marion et son Information ? pas cinquante années !. pas regardable ! par exemple pour nous trois Bébert, le seul qui comptait !. il s’agissait donc, pas d’histoires ! de nous adhérer à la promenade, catiminois !. qu’il puisse nous refiler les petits pains et les rognures, sans que personne gafe !. Mattey était pas très élevé dans la procession des promenades. c’était qu’après Sully son rang !. deux cents mètres après la Marine, les amiraux, François Ier ! » en pardessus noir, Mattey, la gravité « ordonnateur », feutre noir, cent mètres devant nous. « Je vous demande, monsieur Mattey, de faire manger les Français ! ». comme ça qu’il s’était fait recruter Mattey noir vêtu. « Mattey ! labourage ! pâturage ! ». s’il avait foncé !. comme Bichelonne pour les chemins de fer !. « Bichelonne, vous ferez rouler la France ! » maintenant ils avaient plus qu’à suivre… cent mètres avant l’Information, et moi et Lili et Bébert… oh, j’oubliais !… très sinueux, tourmenté, le Danube !… et puis tout d’un coup large ! très large. et plus du tout brisant, mousseux. un grand plan d’eau calme. tout de suite après le pont du chemin de fer. là, les canards nous attendaient. ils attendaient Bébert, plutôt. ils étaient bien une bonne centaine qui nous lâchaient plus !. ramaient dur des pattes, nageaient presque au ras du bord pour bien tout regarder notre Bébert. ah, un autre animal aussi !. je vous oubliais !. l’aigle !. on l’avait aussi !. il venait aussi à cet endroit, mais à distance !. lui pas du tout comme les canards !. très distant !. dans les prés sur le haut d’un très haut poteau, tout seul !. lui était pas à approcher !. non !. l’aigle Hohenzollern !. il nous voyait. on le voyait. il s’envolait pas !. il remuait un petit peu, selon nous, en même temps que nous, de loin. il pivotait sur son poteau. lentement. je crois qu’il regardait surtout Bébert. Bébert le savait. lui, le greffe terrible indépendant, le désobéissant fini, s’il nous collait aux talons !. il se voyait déjà agrippé !. Ce qu’est beau dans le monde animal c’est qu’ils savent sans se dire, tout et tout !. et de très loin ! à vitesse-lumière !. nous avec la tête pleine de mots, effrayant le mal qu’on se donne pour s’ember-lifiquer en pire ! plus rien savoir !. tout bara-fouiller, rien saisir !. si on se l’agite ! la grosse nénette !. dégueule !. peut plus !. plus rien passe !. pas un milli d’onde !. tout nous frise !. file !.

A suivre

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