Apocalypse est pour demain (66)
J’étais désespéré, lorsqu’une voix retentit.
«Alors, Robin Cruzo, avais-je tort?»
La voix du Grand Maître?
Bien sûr. De sa fusée, il pouvait entrer en communication avec moi.
«Non, vous n’aviez pas tort! dis-je.
- Robin Cruzo, ajouta la voix, je dois vous avouer quelque chose. Avant de partir dans cette fusée (qui est moi désormais), vous devez bien vous douter que j’avais prévu la destruction de la terre. Ne serait-ce que pour qu’aucun terrien, passant de la civilisation automobile à la civilisation des fusées ne vienne m’embêter sur ma nouvelle planète.
Un certain nombre de choses sont en place qui doivent tout détruire et que je peux évidemment déclencher d’où je suis. Votre disque de commandement ne pourrait rien annuler.
La planète peut être détruite de trois manières différentes.
Un – éclatement de son noyau.
Deux – suppression de toute vie à sa surface.
Trois – suppression de toute vie et destruction de tout ce qui était propre et dont les humains n’ont pas su se servir, c’est-à-dire, en premier lieu, les automobiles.
La première solution ne me plaît pas. La destruction totale par éclatement du noyau vous ferait disparaître et je ne le souhaite pas.
La deuxième ne me paraît pas suffisante.
La troisième est bien, n’est-ce pas? Destruction de TOUS les humains et de leurs autos.
Naturellement, vous serez épargné. »
- Cela m’est égal, hurlai-je, je ne tiens pas à être épargné. Oui, détruisez tout, détruisez tous ces fous sanguinaires, ces malades de la puissance au petit pied. Ces maniaques du cercueil à roulettes, ces monstres qui n’ont pas su profiter de leur planète si bonne et si belle.
- Allons, Robin Cruzo, ne vous excitez pas. Voilà ce que je vous propose.
Au centre de l’océan, il existe encore une ou deux îles où il n’y a rien.
Ce ne sont que des rochers arides. Prenez un hélicoptère robot de ma flotte personnelle. Programmez-le pour vous conduire sur une de ces îles désertes Lorsque l’hélicoptère reviendra à son point de départ, je saurai que vous êtes sauvé. Alors je détruirai tout, absolument tout, à la surface du globe.
Vous serez le seul survivant. Vous pourrez alors faire ce que vous aviez envisagé lorsque vous étiez chez les piétons, vous vous souvenez? Faire évoluer les créatures de la mer grâce aux pilules accélératrices de temps pour obtenir des hommes nouveaux. Cela vous agrée-t-il?
- Pourquoi pas? Cela m’agrée» répondis-je.
Je parcourus les laboratoires vides. Je me rendis dans la salle de l’accélérateur de temps et remplis de pleins sacs de pilules d’accélération, puis je me rendis à l’héliport souterrain. Je pris place dans un hélicoptère.
Je vais terminer ici mon récit. Je suis très vieux maintenant. L’île sur laquelle je me trouve est grande, et j’y ai recréé un univers.
Toute vie a disparu sur la terre, mais ici, elle existe, la vie. De l’eau, j’ai tiré des créatures que j’ai su faire évoluer. Oui, j’ai réussi, j’ai fait évoluer des coelacanthes. On avait bien raison de dire qu’ils étaient le dernier maillon entre les créatures de l’eau et l’homme.
Je le répète, je ne sais pourquoi j’écris ceci. Personne ne le lira jamais, ou alors quelque explorateur venu d’une lointaine planète. Qu’il sache alors que je suis désespéré. Grâce à mes efforts, à ma ténacité, à mon amour aussi, j’ai réussi à créer un nouvel Adam, car le coelacanthe est devenu aegyptopithèque, l’aegyptopithèque est devenu archéanthropien, l’archéanthropien, pithécanthrope et le pithécanthrope, Homo Sapiens. Oui… Je suis vieux.
Un brouillard obscurcit mes yeux… Avant de sombrer dans le néant, ce que je vois me glace d’horreur. Cet homme, que j’ai réussi à créer, vient de prendre une pierre plate et ronde.
Il en a usé le centre, il l’a percé, il vient d’y passer un morceau de bois.
Il la fait tourner.
Cet imbécile est en train d’inventer la roue.
FIN
L’APCGALYPSE
EST POUF DEMAIN
ou les aventures
de Robin C r u s o
Jean Yanne