Ce mardi 27 mai 2025, plusieurs centaines de personnes se sont réunies place de la Concorde à Paris à l’appel d’Élisabeth de Courrèges, soignante engagée, pour protester contre le projet de loi relatif à « l’aide à mourir », voté le jour même à l’Assemblée nationale. Ce texte, qui autorise sous conditions strictes une forme encadrée d’aide à mourrir, a été adopté à 399 voix contre 199. En réaction, la manifestation s’est tenue sous la forme d’une veillée, dans la tradition du mouvement des Veilleurs né en 2013 lors des mobilisations contre la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.
Initialement pensé comme un rassemblement restreint, l’événement a rassemblé près de 500 personnes selon les organisateurs. Assis en cercle, parfois à la lumière de bougies, les participants ont écouté des lectures de textes philosophiques, des témoignages de malades, de soignants et de personnalités engagées. Une banderole citait Platon : « La perversion de la cité commence par la fraude des mots », et une autre Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
La manifestation, non déclarée en préfecture, a rapidement été encerclée par les forces de l’ordre. Après négociation, les Veilleurs ont été invités à poursuivre leur veillée plus loin, place du Canada, dans un cortège encadré par la police. Un déplacement vécu comme une forme de contrainte mais accepté pour maintenir la tenue de l’événement dans le calme.
À la tribune improvisée, le ton était grave. Damien Le Guay, philosophe, a dénoncé selon lui les « euphémismes » et les « détournements de langage » du texte, qu’il qualifie de « loi liberticide ». Louis Bouffard, atteint de la myopathie de Duchenne, a rappelé : « Je perds peu à peu mes forces, mais je ne perdrai jamais ma dignité. » Marie-Caroline Schurr, elle aussi porteuse d’une maladie génétique, a insisté : « Je veux être éligible à la vie, pas à la mort. »
Le rassemblement a également accueilli des prises de parole plus politiques, notamment celle de la présidente des Associations familiales catholiques (AFC), Pascale Morinière, et celle de Jean-Frédéric Poisson, ancien député et soutien d’Éric Zemmour. Des extraits d’une tribune du député socialiste Dominique Potier, favorable aux soins palliatifs mais absent, ont aussi été lus.
Dans l’assemblée, le public était composé de familles, de jeunes adultes et de retraités, certains arborant des sweats des Marches pour la vie ou des insignes scouts. Beaucoup faisaient le lien avec les mobilisations passées, tout en affirmant ne pas être là par nostalgie mais pour s’opposer à ce qu’ils perçoivent comme une « rupture anthropologique ».
Des témoignages forts ont ponctué la soirée. Plusieurs intervenants, dont certains en situation de handicap ou exerçant dans le domaine médical, ont exprimé leur inquiétude face à une possible « pression sociale et économique » sur les plus vulnérables. Ils redoutent que le droit à mourir se transforme en devoir de le faire pour ne pas être une charge. « Le désir de mourir est souvent un cri de détresse, un appel à être aimé », a rappelé un intervenant.
D’autres ont critiqué un message implicite qu’ils jugent dangereux : selon eux, cette loi pourrait conduire à estimer que certaines vies ne valent plus la peine d’être vécues. Des parallèles ont été faits avec l’évolution des lois dans d’autres pays, comme le Canada ou les Pays-Bas, où l’euthanasie est pratiquée depuis plusieurs années. Les participants appellent à renforcer plutôt les soins palliatifs, qu’ils estiment insuffisamment développés.
La soirée s’est achevée dans le calme, sans heurts avec les forces de l’ordre. Une prochaine veillée est annoncée pour le mardi 3 juin. Le projet de loi doit encore être examiné par le Sénat, probablement à l’automne, avec des premières auditions prévues dès juillet. Les Veilleurs entendent poursuivre leur mobilisation dans les semaines à venir.